[Livre] L'homme, la faune sauvage et la peste — 2020-12-13

L'homme, la faune sauvage et la peste, Serge Morand

Intervioue de Morand

Résumé

...Si on regarde les chiffres des dernières décennies, on observe une augmentation du nombre d’épidémies, de maladies vectorielles et de zoonoses.

...Ces constats rejoignent en de nombreux points ceux concernant l’Anthropocène : on observe une grande accélération de toutes les activités liées à l’économie humaine, mais aussi une grande accélération de leur impact sur la biodiversité, du transport aérien aux marchandises commerciales en passant par les flux terrestres.

...D’abord, l’augmentation du nombre d’animaux d’élevage, qui est corrélée à l’augmentation de notre demande en protéines animales, notamment à travers l’émergence des classes moyennes et d’une agro-industrie très portée sur la consommation de viande sous toutes ses formes.

...On a donc un modèle globalisé de la marchandise, le plus souvent animale, qu’il convient de nourrir avec du soja ou du maïs – donc grâce à la déforestation – et que l’on transporte ensuite sur l’ensemble de la planète.

...Aujourd’hui, on perd de la biodiversité mais on perd surtout des interactions avec elle, c’est-à-dire des régulations : les rats ou les souris qui étaient régulés par des prédateurs, ou les insectes qui étaient régulés par des oiseaux ou des chauve-souris, ne le sont plus autant qu’avant.

...Quand on regarde l’émergence du coronavirus qu’on retrouve dans des espèces-réservoirs (toute espèce qui participe majoritairement au cycle de reproduction d’un agent pathogène, ndlr) comme les chauve-souris ou les rongeurs, on constate qu’il ne passe jamais directement chez les humains.

...Cette piste est selon moi à privilégier s’agissant du Sars-Cov-2, notamment parce qu’on a eu très récemment 15 millions de visons mis en abattage au Danemark du fait de leur contamination par une forme mutante du Covid-19.

...Cela expliquerait aussi pourquoi le Covid-19 est si bien adapté aux êtres humains, ce qui n’est pas le cas de tous les virus émergents, et renforcerait mon hypothèse selon laquelle nous avons un problème profond de relation avec les animaux.

...Je compte évidemment me faire vacciner, mais ce que je crains, c’est qu’on effleure à peine les origines de cette crise, qui sont à la conjonction de l’écologie, de l’économie, de la santé publique et de l’agronomie.

...La difficulté est bien sûr la pression souvent exercée par les employeurs pour éviter de poser un jour de congé… Mais il va falloir prendre en compte, en Europe, le fait que les gens malades doivent se reposer et ne pas contaminer les autres.

...Alors que, comme je le rappelais dans La prochaine peste, la réduction complète des maladies infectieuses a souvent été permise à travers l’Histoire par le médicament, la santé publique et l’hygiène, pas forcément par le vaccin ou les antibiotiques.

...L’OMS va sans doute ramer pour regagner la confiance du grand public après ses erreurs de gestion de crise au début de l’épidémie, mais d’autres institutions comme l’Unesco, qui porte des valeurs d’éducation, de conservation et de science, peuvent jouer un rôle important.

...Ce n’est pas gagné, parce que la question de l’implantation de ces objectifs à un niveau étatique est encore loin d’être tranchée… Il faudra donc aussi favoriser l’intersectorialité, pour que les ministères de la Santé, de l’Environnement et de l’Intérieur discutent entre eux dans chaque pays.

Lu dans "Usbek & Rica" : « La focalisation sur le vaccin risque de nous faire oublier les causes de la crise »

Livre de Morand

4e de couverture :

Voilà plus de vingt ans que, chercheur, écologue de la santé, je me bats pour que nous prenions conscience de former un tout avec la nature. La préserver, c’est préserver notre humanité, et notre santé.

Voilà plus de vingt ans que je me heurte à des murs du côté des sphères politique et scientifique, toutes deux sourdes à mes alertes répétées contre les épidémies qui nous menacent.

J’ai voulu m’éloigner du monde occidental, pour retrouver l’authenticité d’une nature longtemps préservée en Asie du Sud-Est… Mais là encore, la modernité devenue folle m’a rattrapé !

Pour satisfaire nos marchés dévorateurs, ces pays se sont eux aussi lancés dans une course destructrice au productivisme, à la déforestation, aux pesticides. Comme je le prédisais, les hommes ont fini par créer les conditions d’émergence d’une nouvelle peste : le coronavirus.

Et qui accusons-nous ? Les animaux sauvages ! La chauve-souris ! Le pangolin !

Mais qui a poussé la chauve-souris, réservoir de virus, à quitter sa forêt pour venir souiller nos productions agricoles et répandre la peste moderne ?

Nous.

Il est temps d’en finir avec le massacre de la faune sauvage, et de renouer avec notre vraie nature.

[Livre] : L'homme, la faune sauvage et la peste, Serge Morand | Fayard