Malaise dans la contraception — 2018-11-22c

Le problème avec la pilule…

Ceci est un résumé !

Le plus percutant de tous –Mon corps ne vous appartient pas (aux éditions Albin Michel)– commence ainsi : «Durant ma grossesse, la brutalité des médecins m’a fait comprendre combien notre époque méprise le corps féminin.

...Agrégée, normalienne, professeur de philosophie, cofondatrice de la revue d’écologie Limite, cette jeune femme présentée comme une «surdouée» (aussi bien par Famille Chrétienne que par Le Nouvel Observateur) fait partie d’une mouvance catholique fortement opposée au mariage gay et se définit comme une féministe différentialiste. Mettant volontairement de côté certains aspects très discutables de sa pensée et refusant de tomber dans l’ornière bipolaire «ami-ennemi», je ne présenterai ici que les concepts qui m’ont paru les plus intéressants (bons à penser, pour citer Levi-Strauss), c’est-à-dire constructifs.

...Vue comme une servitude – et non pas comme un privilège – elle est associée à l’image du renoncement : adieu ventre plat et cuisses de sylphide… «Tandis que toutes les sociétés ont toujours célébré la grossesse, par des œuvres d’art, des rituels, des mythes, notre époque ne propose à la future mère qu’un néant affligeant, un ensemble de conseils pour rester mince après l’accouchement, des exercices de yoga express pour se détendre au boulot, et des catalogues de produits pour bébé hors de prix. ... […] Les magazines spécialisés lui présentent une image lisse et publicitaire d’elle-même : ici encore, elle est sommée de réussir sa grossesse et son gosse, de rester séduisante et disponible, en achetant des crèmes anti-vergetures et des minijupes pour femme enceinte.

...Lorsqu’elle tombe enceinte, son corps est comme séparé d’elle par une série de manipulations –prises de sang, échographies– assurant l’emprise du pouvoir médical : «le pouvoir, selon Foucault, est ce qui, légitimé par un ensemble de savoirs établis, s’interpose entre l’individu et lui-même, et intervient dans la manière dont il se perçoit», rappelle Marianne Durano, qui en donne des exemples éclairants. ... «Comment demander aux médecins d’être autre chose que des techniciens quand on a fait de la fécondité féminine un problème technique, désinvesti de toute valeur sociale et humaine, une menace dont la femme doit se prémunir dès l’enfance ?»

...Et tant pis si pour cela des jeunes filles doivent subir des régimes inhumains», souligne Marianne Durano qui dénonce l’effet prescriptif des images de mode et de charme, souvent retouchées : «Une société a besoin de se doter d’images pour que la multiplicité des expériences individuelles fassent sens et acquièrent ainsi une existence dans la sphère commune. ... J’ai besoin que la société me renvoie une image valorisante de ce que je vis, afin de pouvoir attribuer à ma réalité un sens et une place dans l’ordre des choses.

...[…] Ainsi, le plan de carrière idéal valorisé par notre société – des études longues, un pic de performance autour des 30 ans, un sommet de carrière vers 40 ans – est absolument contradictoire avec le rythme du corps féminin – une fécondité maximale avant 25 ans, une maternité qui s’étale de 25 à 40 ans, puis la ménopause.

...Au lieu de faciliter la possibilité pour les femmes d’avoir des enfants quand elles veulent, on les contraint à attendre, en leur offrant pour toute solution le recours à des technologies censées prolonger ad infinitum la fertilité. ... C’est ce qu’on appelle une société de marché : contraintes de soumettre leur corps au marché de l’emploi, les femmes alimentent par la même occasion le vaste marché de la procréation.» Quant aux technofirmes (Google, Facebook) qui proposent à leurs employées de congeler leurs ovocytes… «Sous prétexte d’aider les jeunes femmes à s’intégrer au marché du travail, on les contraint à domestiquer leur corps, […] au risque, évidemment, de perdre leur job si elles refusent l’offre “philanthropique” de leur employeur.

Lu sur Libération : Malaise dans la contraception