Laquais — 2017-09-11

Un philosophe a dit un jour « Le mystère des Pyramides, c’est le mystère de la conscience dans laquelle on n'entre pas »

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L’idée de défendre les intérêts de la France m’est chère, et il y a infiniment plus d’honneur à être un espion de la République qu’un plumitif défroqué se commettant avec des milices pro-russes. Hélas, la défense de nos intérêts, essentielle, ne saurait se faire dans n’importe quelle condition. La trop fameuse « politique arabe » de notre diplomatie n’a servi, au nom du pragmatisme, qu’à insulter l’avenir en confortant des tyrans qui, trop souvent, nous contrôlaient plus que nous ne les contrôlions. Des Etats que nous avons soutenus contre vents et marées, leur vendant des armes (qu’ils ne payaient pas toujours) et fermant les yeux sur la nature de leur régime, combien ont été touchés par les révoltes de 2010/2011 ? La liste est longue, et dit tout de l’extrême crédibilité de la défense de nos valeurs auprès d’eux comme de l’efficacité de notre politique de développement. C’est bien simple, on se croirait au Sahel, et là aussi il faut se poser la question, au lieu de n’incriminer que les seuls Américains, de la responsabilité de la France dans le maintien de tyrannies finalement renversées par les peuples. Je crois me souvenir d’un discours verbeux prononcé en 2003 par un bonapartiste délirant dans lequel il était question de paix et de peuples. Il faut croire, à écouter la radio, que certaines convictions sont fluctuantes, à moins que l’important ne soit que le pouvoir, de la prise de Moscou au raid de Bouaké.

Pour les pragmatiques, attachés à la seule grandeur de notre pays, il serait donc indigne de vendre du matériel militaire aux pétrothéocraties du Golfe mais parfaitement acceptable d’armer la Syrie, l’Irak, la Tunisie ou, très récemment, l’Egypte. Le fait, en passant, que les Rafale du Caire soient payés par Riyad n’a pas l’air de beaucoup les troubler. Il faut croire que tout est question de posture. On se permettra également de ricaner lorsque ces pragmatiques, conspuant le supposé néconservatisme de leurs adversaires, se drapent dans la diplomatie héritée du Général. La France respectueuse des peuples et des équilibres entretient des troupes au Tchad depuis 1969 (en y faisant et en y défaisant les présidents et en y occultant leurs exactions), est intervenue près de 20 fois en RCA – avec les succès que l’on voit, est enlisée au Mali, a couvert les crimes commis en Tunisie ou à Djibouti, a maintenu l’ordre dans les rues du Gabon à bien des reprises et a toléré dans les rues de Paris tout autant les excès, parfois dégueulasses, de fils de généraux que de fils de princes. Autant dire qu’il serait de bon ton de ne pas trop la ramener au sujet des compromissions américaines (réelles, évidemment), de la farouche indépendance française (combien de paniques dans des cabinets ministériels pour ne pas fâcher nos si admirables bienfaiteurs) et de notre fameuse hauteur de vue. Pour avoir été aux premières loges de quelques événements fâcheux, je peux vous assurer que les frères Volfoni auraient été moins fébriles et plus habiles.

Celles et ceux qui me font l’honneur de me lire, ici ou ailleurs, savent bien que je n’ai pas d’appétence particulière pour l’islamisme radical. Quant au jihadisme, il n’est question sous ma plume que de le combattre et de la vaincre. Je rejette cependant avec une détestation égale les dictatures militaires, les régimes racistes, les satrapies socialistes et tous les systèmes qui oppriment. Je refuse de me compromettre avec les uns pour affronter les autres, et si le réalisme doit s’imposer, il ne doit pas conduire à s’aveugler sur les responsabilités exactes. Le régime égyptien depuis quarante ans a fait au moins autant pour la cause du jihad que tous les oulémas du Golfe réunis en conclave. A cet égard, on ne peut que rester perplexe devant les imprécisions de la diplomatie moyen-orientale de notre nouveau Président, mélange troublant de clichés éculés sur l’Arabie saoudite (que je ne défends certainement pas) et de maladresses évoquant les pires aveuglements du Quai et révélant le retour en grâce d’une orthodoxie au bilan bien mince.

Les pragmatiques, pour tout dire, n’en sont pas. Ils ont, eux aussi, leurs certitudes et leurs biais, et on les voit quotidiennement se montrer incapables d’affronter la complexité du monde. Ils se disent ouverts, mais ils ressassent de vieilles certitudes, issues de l’alliance avec l’Irak du débonnaire Saddam Hussein ou avec la Tunisie du cordial Ben Ali. Leur morale est en carton, elle est le fruit de leur crainte, des mensonges qu’ils finissent par croire et des erreurs qu’ils ne perçoivent pas. Le pragmatisme n’est ici que le pire des cynisme, abject renoncement qui nous fait perdre sur tous les tableaux. Les tyrans de Syrie ou du Yémen nous méprisent avec une ardeur renouvelée, car ils savent que la France n’est plus qu’une duchesse désargentée au château en ruine. Et ils se vengeront, car eux, au moins, ont à la fois une volonté et une stratégie. Les islamistes radicaux, pour leur part, nous détestent d’autant plus que nous avons tout fait pour leur prouver qu’ils avaient raison de le faire. Quant aux dizaines de millions de femmes et d’hommes piégés par ces crises qui s’entassent et ces haines qui s’accumulent, ils savent que nous ne valons rien. Car on ne vaut pas par ce qu’on dit mais par ce qu’on fait, et nous n’avons rien fait, malgré nos formules alambiquées, nos réunions internationales et nos palais vides.

Abou Djaffar : Un philosophe a dit un jour « Le mystère des Pyramides, c’est le mystère de la conscience dans laquelle on n'entre pas »